En circulant dans l'espace d'une pièce sombre, le visiteur entend des fragments précis de dialogues provenant de chacun des 16 hauts-parleurs. Une histoire commence alors à se déployer, suivant plusieurs fils narratifs : un trajet en auto pour aller rencontrer quelqu'un, une jeune fille sur le bord d'une route longeant une rivière, le souvenir de nager et d'échapper de justesse à la noyade. Sur le mur apparaît par intermittence un film tourné en 16 mm, montrant une fillette en robe rouge faisant des claquettes dans la forêt. Dans cette oeuvre, le visiteur est terrifié par le sentiment de perte de contrôle de la conscience. Le temps n'y est pas linéaire ; le passé, le présent et le futur se fondent.
Le visiteur entre dans une pièce obscure où il doit toucher doucement la surface d'un vieil établi de menuisier, éclairé d'un haut à l'aide d'un projecteur. Il active ainsi des hauts-parleurs placés tout autour de la pièce qui diffusent des voix et des sons entremêlés (image d'un homme attaché à un lit pendant qu'une femme le regarde, voix masculine excitant une femme en lui racontant des histoires inventées concernant ses cicatrices, fragments de films des années 50, bruits de gens qui respirent, musique angoissante). Ceux-ci évoquent des constructions visuelles imaginaires dans l'esprit du participant tandis que l'aspect tactile accentue la dimension sensuelle. L'écoute devient une affaire d'érotisme et de voyeurisme.
L'aménagement
théâtral de cette installation sur la démesure scientifique,
est rempli de vieux objets, de meubles, de livres et de curiosités
pseudo-scientifiques, où la noyade, la perte de soi et le plaisir érotique
sont étroitement liés. Le visiteur pénètre dans
un laboratoire/appartement (cliquez
ici
pour accéder à son plan détaillé)
peu éclairé que deux scientifiques déterminés
à investiguer un mystérieux "étang noir", semblent
avoir déserté. En déambulant dans l'espace, le spectateur
déclenche des fragments de dialogues et des enchaînements musicaux,
jusqu'à parvenir à une douce cacophonie. La bulle d’intimité avec l’œuvre
tourne alors au dialogue. Celui qui cherche à connaître le sens du récit doit
lui aussi y mettre du sien. Référence à la fois à
un décor de film et à un parc d'attraction, l'oeuvre illustre
la façon dont la mémoire est mise en oeuvre par des objets précis.
Cette oeuvre inaugure une série d'espaces prenant la forme de maquettes de théâtre. L'installation renferme une petite pièce à laquelle vous accèdez en écartant des rideaux de velours rouge. Vous placez un casque de baladeur sur vos oreilles et la voix de "Janet" vous demande de vous asseoir sur une chaise, devant une balustrade, comme si vous étiez au théâtre. L'oeuvre incorpore la projection vidéo d'une soprano corpulente (elle chante une aria en allemand), mais dont la petite taille suggère que la scène est à une grande distance, tout comme la construction du décor en trompe-l'oeil qui accentue la perspective. L'enregistrement binaural de déplacements des chaises, de conversations étouffées et de bruissements de vêtements vous donne l'impression d'être entouré d'autres spectateurs invisibles. (La technique de l'audio binaural, chère à Janet Cardiff, consiste à enregistrer les sons sur plusieurs pistes, grâce à des micros miniatures placés dans les oreilles d'une personne ou sur une tête factice. Il en résulte une époustouflante reproduction du son en 3D. Rejoués dans un casque audio, les événements enregistrés semblent réels pour celui qui les écoute). Pendant que vous écoutez la cantatrice, vêtue d'une scintillante robe en lamé, la voix d'une femme assise à votre droite vous propose de quitter le théâtre avec elle puisqu'un crime est sur le point d'y être commis. Mais vous restez là, dans le vrai monde, complètement seul, impuissant face au désir évanoui d'avoir eu l'occasion (ratée) d'entrer dans un autre univers...
Comme pour Playhouse, la structure matérielle de cette sculpture multimédia rappelle un petit théâtre, mais devant lequel vous vous tenez debout cette fois (3 personnes peuvent participer simultanément). Vous mettez un casque d'écoute et scrutez un cinéma miniature à l'italienne. Une vidéo en noir et blanc qui rappelle à la fois les films noirs des années 50, les films policiers et les westerns hollywoodiens, démarre sur le petit écran situé au bout de cet espace à la perspective fortement accentuée. Une musique dramatique suggère un suspense. Des sons et des voix semblent provenir de l'espace public, de votre espace, s'incorporant de plus en plus à la fiction. Le ton menaçant se transforme rapidement en véritable drame, lorsque des coups de feu se font entendre dans l'espace de la salle. On s'amuse alors de notre crédibilité délibérée et du pouvoir de la facticité du cinéma.
En visionnant cette vidéo sur un écran de télévision, le spectateur assiste, impuissant, à la destruction d'une vaste maison par les flammes. Il se trouve alors partagé entre son envie de se détourner de la scène, dont il connait l'issue fatale, et son appétit de voyeur, exacerbé par les sons fascinants du désastre qui sont enregistrés selon la technique binaurale et diffusés par des écouteurs stéréphoniques.
Avec cette installation, Janet Cardiff revient à la structure polyphonique de Whispering Room et l'amplifie. Quarante haut-parleurs de dimension humaine sont distribués en cercle dans un grand espace, chacun repassant une des quarante voix de l'oeuvre chorale de Thomas Tallis, Spem in alium nunquam habui de 1575. Chacune des voix a été enregistrée séparément dans la cathédrale de Salisbury. Le visiteur qui déambule parmi les haut-parleurs entend les voix avec précision à tour de rôle. Présence invisible, il peut ainsi se faufiler parmi les chanteurs et écouter chacun d'entre eux en secret. Placé au centre, l'auditeur peut également profiter de l'effet d'ensemble de la chorale et se laisser transporter par cette oeuvre bouleversante.
Cette installation se développe à partir des principes structuraux de Playhouse et de The Muriel Lake Incident. Il s'agit d'une maquette de cinéma de grandes dimensions pouvant accueillir 17 personnes dans des fauteuils grandeur nature. Une balustrade sépare le public de l'espace "théâtral" dont la perspective est encore une fois fortement accentuée. Vous regardez un écran où est projetée une vidéo en noir et blanc qui simule un film. Le récit développe des éléments tirés de la promenade audio intitulée Drogan's Nightmare (voir plus bas) où un homme est attaché à un lit alors qu'une femme essaie de le préserver d'un désastre imminent. Comme dans les istallations "théâtrales" précédentes, la trame sonore du "film" se fond dans le paysage sonore artificiel et réel de l'auditorium, la sonnerie d'un portable par exemple, et le chevauche.
Cette première promenade a été créée dans le cadre d'une résidence au Banff Centre for the Arts, en Alberta. L'artiste découvre l'idée par hasard lorsque, par mégarde, elle met en marche le magnétophone qu'elle utilise pour prendre des notes dans un cimetière. En écoutant sa propre voix et en retraçant ses pas, elle fait l'expérience d'une sorte de disjonction de la subjectivité, de prise de conscience de soi comme étant "autre" et d'insertion dans l'univers d'un personnage substitut. Le son binaural des événements de cette promenade de 8 minutes renforce le processus d'invividuation.
Cette promenade audio binaurale se déroule dans l'environnement du Chateau Marmont Hotel à Los Angeles.
Cette promenade de 13 minutes a été créée pour le jardin de scultures du Louisiana Museum de Humlebaek au Danemark. Il est amusant de constater avec quelle ironie est ici détourné l'habituel guide-audio propre aux visites muséales. Une nouvelle fois, le participant entre dans le corps et l'esprit d'une autre personne.
Cette promenade audio binaurale de 11 minutes guide le participant dans le Musée d'Art Moderne de San Francisco. Dans les écouteurs se mêlent des sons typiques de ceux que l'on peut percevoir dans un musée à ceux du corps, des pas et de la voix du "guide". Des références cinématographiques (Vertigo d'Alfred Hitchcock), architecturales ou religieuses complètent l'univers sonore. Le visiteur plonge peu à peu dans un espace virtuel où fusionnent sa propre visite muséale et le thriller dans lequel il est plongé malgré lui.
Réalisée dans le cadre de "Skulptur Projekte", projet d'art public à l'extérieur, cette oeuvre est en deux parties. La première consiste en une promenade audio binaurale de 18 minutes à travers la ville de Münster. Comme avec les précédentes promenades, la bande sonore entraîne le visiteur dans d'autres lieux, en d'autres temps, tout en utilisant les sons de l'environnement dans lequel il évolue. La seconde partie de l'oeuvre est un dispositif télescopique qui permet d'observer, d'une fenêtre du premier étage du Westfälisches Museum, la place du marché située juste en face du musée. Lorsque le spectateur regarde à travers le télescope, il est confronté à une vidéo narrative, enregistrée exactement du même point de vue et utilisant la même vitesse focale qu'un télescope. Cette vidéo d'une minute est en rapport direct avec la promenade dans la ville et semble réellement se dérouler sur la place du marché. Monté sur un mécanisme robotisé, le télescope se déplace automatiquement pour suivre le personnage de la vidéo. L'image vidéo étant parfaitement raccordée avec la scène de marché réelle, le participant se trouve complètement perturbé dans sa percetion de la réalité.
- Villa Medici Walk (Promenade à la villa Médicis) pour la Villa Médicis à Rome
- Wanås Walk pour le Château Wanås en Suède
- Drogan's Nightmare (Le Cauchemar de Drogan) pour la Biennale de Sao Paulo au Brésil
- The Missing Voice(Case Study B) (La Voix manquante [étude de cas B]), promenade de 40 minutes qui démarre dans la bibliothèque de Whitechapel puis emprunte un parcours dans les rues de l'est de Londres
- MoMA Walk (Promenade au MoMa), promenade de 14 minutes produite pour l'exposition, "The Museum as Muse" au MoMA de New York
- Sleepwalking (Somnambulisme), commande pour une collection privée de New York
- In Real Time (En Temps réel) est sa première promenade audio et vidéo, de 15 minutes, pour la bibliothèque du "Carnegie International" à Pittsburgh
- A Large Slow River (Un long Fleuve tranquille) se déroulant dans les jardins de Gairloch, propriété d'Oakville, près du lac Ontario
- Taking Pictures (Prendre des Photos), pour l'exposition "Wonderland" à Saint Louis dans le Missouri
Cette promenade audio et vidéo est la deuxième réalisée au SFMoMA de San Francisco, pour l'exposition "010101"
Sa dernière promenade, The Conspiracy Theory (La Théorie de la Conspiration), a été préparée en 2002 à l'intention du Musée d'Art Contemporain de Montréal. Le parcours d’une quinzaine de minutes conduit le visiteur dans l’environnement du Musée avec pour seuls guides la voix et les images proposées par l’artiste.
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Janet Cardiff.