Wim VaNdeKeyBus et la Compagnie Ultima Vez

né eN 1963 / cOmpAgnIe cRééE eN 1987

vIt eT trAvaiLle eN BelGiqUe

 

"L'étAt féMiNin, mêMe chEz lEs hOmMes, eSt plUs iNtuiTif, pLus coMplExe, mOinS ratiOnNel. Je mE seNs aSseZ pRocHe dE cEt étAt."

 

Metteur en scène, comédien , phototographe, danseur et chorégraphe, Wim Vandekeybus crée sa première pièce, What the Body Does Not Remember en 1987. Agé de 24 ans, il n'est déjà plus un néophyte. On a en effet pu le voir dans plusieurs spectacles de Jan Fabre, autre chorégraphe flamand, mêlant déjà danse et théâtre. Ses débuts de chorégraphe font l'effet d'une bombe : corps explosifs, images puissantes, mélange de violence et de danse. Tout Vandekeybus est déjà là avec ses trouvailles, son énergie, sa sensualité, ses excès. Très vite, et sans doute abusivement, on retient de lui le côté sauvage, les plongeons au sol, la prise de risque pour des danseurs qui sortent souvent meurtris de ses spectacles. Certains, dégoûtés, le trouvent inhumain.

Pour les uns, c'est la quintessence de la création urbaine contemporaine. Pour d'autres, de la poudre aux yeux. Pourtant, au fil du temps, l'homme installe son univers, raffine ses mouvements, trouve de nouvelles pistes. Très tôt, il s'associe avec des musiciens dont il apprécie l'univers : Thierry De Mey, Peter Vermeersch puis d'autres, internationalement connus, comme Marc Ribot ou David Byrne (ex Talking Heads). Sur le plateau, il fait appel à des interprètes à la personnalité forte et parfois déroutante. Tout en leur proposant un cadre précis, il les pousse à explorer leurs propres idées avant d'en faire le tri.

Toutes ses pièces combinent des danseurs et des non-danseurs, des gens aux physiques très différents ne répondant pas du tout aux critères classiques. Les danseurs, qui ne sont pas "parfaits", deviennent plutôt de grands performers. Une question est au centre de tout son travail : "Quelles conséquences les désirs peuvent-ils entraîner sur notre corps ?". Car les corps parlent dans les oeuvres de Vandekeybus, et les titres le démontrent à suffisance : What the Body Does Not Remember (Ce dont le corps ne se souvient pas), Her Body Doesn't Fit Her Soul (Son corps ne convient pas à son âme), Le poids de la main, etc.

Photographe, passionné de cinéma, il parsème ses créations de films plus ou moins intégrés à l'action (il rêve toujours de réaliser un long métrage qu'il reporte sans cesse). Sur scène, il crée des images incroyablement fortes qui marquent les esprits de manière indélébile : une chemise congelée qui se dégèle peu à peu, des danseurs qui se jettent des œufs, des briques ou des sacs, une pluie de plumes géantes.... Autant d'images percutantes qui font les délices d'un public jeune qui se recrute autant chez les amateurs de danse que chez les fans de rock et de ciné actuel.

Ce que l'on prend pour une vision hypermasculine serait plutôt largement nourri par le côté féminin de Wim Vandekeybus. Ce n'est pas là le moindre des paradoxes du créateur qui est aujourd"hui, avecec Anne Teresa De Keersmaeker et Jan Fabre, un des piliers de la danse flamande.

 

ParCouRs...

 

1987 What the Body Does Not Remember

Spectacle pour lequel Wim Vandekeybus reçoit le "Bessie Award" à New York l'année suivante. Cette création a été présentée comme une confrontation brutale entre la dance et la musique.

 

1989 Les Porteuses de Mauvaises Nouvelles

Cette pièce créée par Vandekeybus après avoir donné un "workshop" au Centre National de Danse Contemporaine d'Angers, lui a permis de remporter son second "Bessie Award" en septembre 1990.

 

1990 Le Poids de la Main

Il continue de travailler avec Thierry De Mey (qui a déjà réalisé la musique des premiers spectacles) sur Le Poids de la Main, confrontation sur scène de douze danseurs et douze musiciens, présentée en avant-première au Théâtre de la Ville à Paris en janvier 1990.

 

1991 Roseland

Cette adaptation pour l'image d'extraits de What the body does not remember, Les Porteuses de mauvaises nouvelles et Le Poids de la main est co-réalisée avec Walter Verdin et Octavio Iturbe. Dans cette vidéo de 46', courses, sauts, roulades, jeux collectifs rappelle la danse de Wim Vandekeybus où de constantes prises de risque amènent le corps aux limites de l'épuisement et de la conscience. Dans le décor étonnant d'un vieux cinéma bruxellois désaffecté, les objets virevoltent dans l'air (les danseurs se jettent des briques de plâtre à la figure), les corps entrent en collision, chutent, les portés sont acrobatiques... Le film pousse cette logique de l'extrême à son point critique par un montage très serré, où les séquences caracolent, avant de s'arrêter sur des duos conflictuels entre hommes et femmes. Découpages et cadrages insolites donnent la sensation d'aborder l'univers du chorégraphe comme en apnée constante. Cette vidéo a reçu le "Dance Screen Award" (IMZ, Frankfurt) et le "Prague d'Or". (Cette vidéo est consultable au Centre Beaubourg à Paris).

Immer das Selbe gelogen

Ce spectacle est un portrait émouvant de Carlo Verano, danseur et acteur né à Hambourg en 1903, et de l'amitié que lui porte Vandekeybus depuis leur rencontre, à Hambourg, rencontre due au hasard et filmée. A partir de cette création, le film acquiert une place prépondérante dans le travail du chorégraphe dont les représentations deviennent plus théâtrales et dans lesquelles l'apport de textes, de références littéraires et mythologiques, d'images de films et de vidéos gagnent sensiblement en importance. Cette nouvelle création présentée sur la scène du Festival d'été de Salzburg a été suivie de plus d'une centaine de représentations dans les principales villes européennes, au Canada, aux Etats-Unis et la compagnie Ultima Vez a été invitée pour la première fois à des festivals au Japon et au Mexique.

 

1993 Her Body doesn't fit her Soul

Pour cette création présentée en avant-première à Munich, Vandekeybus a travaillé avec des danceurs non-voyants. Une partie du spectacle tient dans la projection d'un court métrage, Elba and Federico, basé sur une histoire d'Italo Calvino, que Vandekeybus a réalisé la même année. Le film raconte l'histoire d'un couple : l'homme travaille la nuit, la femme le jour. Les moments où ils se rencontrent sont parfois des instants de tendresse inattendue, mais ils sont le plus souvent conflictuels, à cause des futilités et des frustrations. Elba et Federico a remporté le "Prix Spécial du Jury" lors du Festival du Film de Bruxelles.

La Mentira

Cette vidéo de 50' est réalisée en collaboration avec Walter Verdin encore une fois autour de Carlo Verano. Le tournage s'est déroulé à deSingel, Anvers, et dans les rudes paysages désertiques autour de Grenade, dans le sud de l'Espagne. (Cette vidéo est consultable au Centre Beaubourg à Paris).

En 1993, Wim Vandekeybus et sa compagnie Ultima Vez deviennent artistes-résidents au Royal Flemish Theater de Belgique.

 

1994 Mountains made of Barking

Cette oeuvre a été présentée en avant-première au Royal Flemish Theater, dans le cadre du premier Festival des Arts de Bruxelles. Le spectacle s'appuie sur deux nouvelles, respectivement de Paul Bowles et Milorad Pavíc. Vandekeybus traite également les éléments de l'histoire de Kalina et Petkutin (Milorad Pavíc) dans le court métrage qui fait partie de la représentation. Le film a été tourné au Maroc et montre un monde au-delà de notre réalité rationnelle et censurée et désenchantée. Le paysage évoque une brutalité et une vitalité à la fois libératrices et angoissantes : rêve et cauchemar ne sont qu'un.

 

1995 Alle Größen decken sich zu

Présentée au Royal Flemish Theater de Bruxelles, cette pièce de théâtre jouée en allemand s'appuie sur la vie et les pensées de son ami alors décédé, Carlo Verano.

 

1996 Bereft of a Blissful Union

Cette oeuvre à grande échelle, présentée le 29 février au Lunatheater de Bruxelles, met en scène 12 danseurs et 12 musiciens et intègre des scènes filmées ou jouées. La musique a été composée par Peter Vermeersch et George van Dam et interprétée par X-Legged Sally et The Smith Quartet, avec Géry Cambier (Ictus Ensemble). Dans le film qui fait partie du spectacle, le reste de l'histoire de Milorad Pavic est raconté dans un dialogue entre image filmée et action sur scène.

 

1997 Body, Body on the Wall...

Cette création est écrite et mise en scène par Jan Fabre, pour Wim Vandekeybus qui, en solo, y est à la fois acteur et danseur (présentée au Springdance Festival d'Ütrecht le 22 mars).

7 for a Secret never to be told

Vandekeybus s'est ici inspiré d'une comptine pour écrire sa pièce : "One for sorrow, two for joy, three for a girl, and four for a boy, five for silver, six for gold, seven for a secret never to be told ". Le script de la création s'apparente alors à un dictionnaire qui ne contiendrait que sept mots : deux émotions extrêmes, les deux sexes, deux métaux précieux et un secret. Les danseurs ont ainsi eu la liberté de donner vie à ces mots à travers le mouvement, à travers les corps. Chaque scène possède ses propres caractéristiques, sa propre scénographie, son propre langage gestuel. Pour cette pièce présentée le 23 juillet au Grec Festival de Barcelona, Wim Vandekeybus a fait appel à 6 compositeurs différents : Arno, Charo Calvo, Pascal Comelade, Thierry De Mey, Kimmo Hakola et Pierre Vervloesem.

 

1998 The Day of Heaven and Hell

Présentée le 16 octobre au Royal Flemish Theatre, cette pièce de théâtre permet à Wim Vandekeybus d'exploiter la vie et l'oeuvre de Pier Paolo Pasolini.

 

1999 In Spite of Wishing and Wanting

La première de cette création pour 1O danceurs, tous des hommes, a lieu le 12 mars au Teatro Comunale de Ferrara, en Italie. La musique originale est réalisée par David Byrne, ex Talking Heads. Lors de la représentation, un court métrage réalisé par Vandekeybus est projeté, The Last Words, qui s'inspire de deux nouvelles (Cuenta sin moraleja et Acefalia) de l'écrivain argentin Julio Cortázar. Il s'agit d'une histoire surréaliste, celle d'un vendeur ambulant de cris, de soupirs et de mots qui se présente au seigneur tout-puissant pour lui proposer ses dernières volontés. The Last Words s'est vu attribuer le "Premío CM Ex-Equo" lors du Festival du Film à Avanca en 1999.

Vandekeybus plante son décor au beau milieu d'une grange que l'on imagine peuplée de chevaux. Les dix danseurs, athlétiques, se glissent dans la peau de "la plus noble conquête de l'homme", hennissent, lancent des ruades, piaffent, écument, tapent du sabot contre la paroi du box. La musique de David Byrne attise une tension d'orage, bonne à rendre folle la gent animalière. Wim Vandekeybus en personne, sous l'espèce d'un pur-sang aux jarrets tendus, les coins de sa chemise entre les dents comme un mors, galope sur le plateau durant tout le spectacle. Il vient parfois flairer ses interprètes sous le nez. Cheval il est, cheval il restera. Ici, la moindre piste narrative vole en éclats sous les assauts d'un violent désir polymorphe, passablement pervers, qui n'est pas loin des représentations de centaures chères à Cocteau. Il n'y a aucune transition entre chaque séquence. Un parcours discontinu investit l'espace en tous sens. Le plancher gémit sous la charge, comme si Les planches enduraient, elles aussi la tyrannie du désir chevalin. Soudain, un oreiller explose dans un grand jaillissement de plumes, comme pour délivrer d'un poids de rêves enfouis celui qui, dormant, y aurait posé la tête. Puis, afin d'assainir une atmosphère de si haut voltage, on répand ces plumes sur le sol. Les danseurs, suant et soufflant, harassés par la course, s'y assoupissent comme des enfants, non sans s'être auparavant dévêtus, offrant leur dos au public. Un écran tombe alors sur la scène, tel un halo ouvert sur l'espace du songe. On projette le court métrage, qui explore les rues lépreuses d'une Italie pauvre, peuplées d'une foule de mendiants qui achètent pour un sou des mots - tendres ou féroces - à un garçon à tête de Christ qui sait, lui, incorporer le désir dans le calme agencement de la langue. Il en est un qui, à tout bout de champ, hurle comme un goret qu'on saigne. C'est peut-être que les mots lui manquent.

 

2000 Inasmuch as Life is borrowed...

La première a lieu le 26 avril à Antwerp. C'est une création pour 11 danceurs. On retrouve également un court métrage réalisé par Vandekeybus et co-écrit par Jan De Coster. Dans cette pièce, Vandekeybus sonde les deux événements naturels les plus importants dans la vie d'un homme : sa naissance et sa mort.

Une jeune femme accouche, le cri est lancé, sur la table de la salle à manger. A deux pas, prostrée dans un salon blue velvet arrondi, une sorte de famille attend, élargie, louche comme les hublots qui regardent chacun, du plus jeune au plus vieux. Les comportements sont bizarres. Et le silence l'est plus encore, quand la mère crie ses contractions. Les visages sont pâles. Pour tuer le temps et distraire les enfants, le grand-père fabrique d'un geste méthodique et lent de planantes volutes de fumée bleue. La bouche moustachue d'un trentenaire coiffé pareil qu'un gitan s'empare du plus petit et le fait tournoyer, les ailes à demi déployées. Dans l'amplitude du faucon, l'enfant naît. Le jeune homme qu'il sera s'essaie déjà aux quelques pas, ignore ses limites, s'étourdit et se fait une bosse. Le rire rebondit, presque sourd et presque muet. Dehors, au détour de taillis qui cernent l'aquarium, des hommes nus rôdent, une poignée peut-être, à quatre pattes, sauvages, brindilles et branches mortes cassant sèches dans la nuit sous la danse tribale de leurs pieds. Sorti prendre l'air sur le pont du navire, le nouveau père, capitaine halluciné, vient de voir défiler sous ses yeux, âge par âge, la vie future de l'être qu'il vient d'aider à venir au monde. Un vieillard mourant et ricanant a fini dans ses bras. Magie, grandeur et petitesse de la chaîne de la vie : le jour se lève à peine que déjà la mère doit rendre aux vents tourbillonnant les cendres de son fils... La musique acoustique lentement convulsive se dilue avec bonheur et précision dans l'étrange atmosphère de salle d'attente de ce " film familial " tourné à bord d'un vaisseau fantôme : le Normandie, perdu, loin des mers et océans.

L'oeuvre a reçu plusieurs prix parmi lesquels le "Prix pour la meilleure photographie" au Festival de court-métrage à Louvain (2000), le "Prix Cinergie" et le "Prix de la VRT" au Festival de Film à Bruxelles (2001). La musique tient encore une fois une place prépondérante dans la pièce. Le guitariste et compositeur new-yorkais Marc Ribot, connu pour avoir travaillé avec Tom Waits, Elvis Costello, John Lurie et John Zorn, compose une musique aux accents de pop, de rock et de dance music.

 

2001 Scratching the Inner Fields

Deux ans après n'avoir réuni que des hommes sur scène, il décide de ne travailler qu'avec des femmes. C'est Scratching the Inner Fields (littéralement, En grattant les champs intérieurs), présenté le 27 février aux Abbesses (Théâtre de la Ville) à Paris. Les 7 interprètes (deux comédiennes, quatre danseuses et une gymnaste-performeuse) sont de nationalités diverses, n'ont jamais travaillé ensemble et viennent d'horizons professionnels différents. Wim Vandekeybus leur fait découvrir les chemins qu'il prend pour "explorer la limite entre la douleur et le plaisir". À travers le changement progressif du corps et des mouvements de ces femmes, à travers leur perception du travail, c'est aussi le style du chorégraphe qui se dessine progressivement... dans l'urgence de la création. La musique est de Yves De mey.

 

2002 's Nachts

C'est un nouveau solo de Wim Vandekeybus, présenté le 20 mars au Royal Flemish Theatre. La performance est réalisée dans le cadre de De Stokerij, un laboratoire pour les metteurs en scène de théâtre qui souhaitent revenir à leurs sources, qui veulent s'essayer à de nouvelles expérimentations, qui veulent prendre des chemins inconnus. Dans ce cadre, Wim Vandekeybus choisit de travailler avec la jeune comédienne allemande Nicola Schössler, qui fait ainsi ses débuts de mise en scène avec cette création. Le danseur se laisse ainsi diriger parmi 40 spectateurs couchés dans des lits.

it

Wim Vandekeybus réalise ce solo, présenté en juillet lors du Festival d'Avignon, pour le danceur et chorégraphe issu des Ballets C. de la B., Sidi Larbi Cherkaoui, dans le cadre de Le Vif du Sujet. Le point de départ de cette création est une nouvelle de Paul Bowles. Avec it, les langages chorégraphiques des deux artistes se mêlent et s'interpénètrent étroitement pour s'influencer l'un l'autre.

 

2003 Blush

Avec Blush, sa nouvelle création pour 10 danseurs et acteurs, Wim Vandekeybus poursuit et approfondit un travail très personnel mêlant intimement danse, théâtre et cinéma. Un univers qu'il explore depuis quinze ans à l'écart de toutes les chapelles. Il n'y a pas moins d'une heure trente de musique dans la pièce. Vandekeybus sollicite David Eugene Edwards, cofondateur du groupe Sixteen Horsepower, qui envoûte Blush d'une voix profonde, de soul man, sombre et pleine. Le chanteur compose des morceaux mélodiques et ténébreux. Un album tiré de la musique du spectacle suivra, Woven hand, Blush music. Il y a également encore un film, décor de la représentation pour la première fois. Sur un écran cisaillé en de multiples bandes apparaît une rivière, un paradis subaquatique peuplé de sirènes et de sourires de dauphins, un enfer souterrain où grouillent des larves humaines métamorphosées en grenouilles, un champ de blé ondoyant au vent. Il est frontière perméable entre deux mondes (les danseurs plongent littéralement dans l'écran pour apparaître dans le film et inversement). Blush est tout, sauf un spectacle serein et apaisant...

 

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